Karl Ove Knausgård, Aux confins du monde. Mon combat. Livre IV

Le jeune garçon Karl Ove, laissé à la fin du précédent volume de Mon combat de K. O. Knausgård, (Denoël, 2016), est, dans cette 4e partie de la fresque romanesque, un jeune adulte, professeur remplaçant dans une école communale au fin fond de la Norvège, confronté à des élèves à peine plus jeunes que lui. Une tâche ardue. Avec une minutie frôlant l’obsession, l’auteur relate cette nouvelle étape de vie du personnage qui porte le même nom que lui et qui est habité par la même ambition : devenir un grand écrivain. En attendant, tiraillé entre inhibition et provocation, le héros cherche désespérément sa place au sein du microcosme villageois. L’alcool coule à flot, servant à célébrer les victoires et à noyer les échecs. De nombreux flash-back permettent de relier entre elles différentes époques et problématiques, dont la principale demeure la relation père-fils, véritable fil conducteur de cette gigantesque mise en écrit d’une vie. L’hyperréalisme narratif se révèle efficace : à force de suivre le personnage volume après volume, pendant des centaines de pages, on finit par s’y attacher. On attend la suite, comme on attend le nouvel épisode d’une série télévisée : avec impatience.

Aux confins du monde. Mon combat. Livre IV (Min Kamp, Fjerde Bok), de Karl Ove Knausgård, traduit du norvégien par Marie-Pierre Fiquet, Denoël, 648 p., 24,50 €

Evguénia Iaroslavskaïa-Markon, Révoltée

En attendant d’être fusillée – pour avoir agressé un garde-chiourme – une détenue de 29 ans retrace sa vie. Nous sommes en 1931, dans l’île de Solovki, ancien monastère transformé en camp de concentration. La jeune femme sait parfaitement qu’elle n’aura d’autres lecteurs que ses bourreaux. Mais elle se trompe : jointes à son dossier d’instruction, ces feuilles seront retrouvées et publiées dans les années 1990. De même que le procès-verbal de son interrogatoire et le témoignage d’un gardien, racontant son exécution. Qui est cette femme qui, la veille de sa mort, trouve le courage de coucher sur papier l’histoire de sa brève existence ? Anarchiste, elle déclare la guerre à « l’Etat-oppresseur », au nom de la liberté individuelle : « Je jure de venger les poètes fusillés ! » Oui, elle a milité contre le pouvoir bolchevik, oui, elle a rejoint la pègre pour rester avec les « vaincus », oui, elle a tenté de provoquer un soulèvement dans le camp, et elle se dit prête à continuer. Un récit mené tambour battant, sur un ton enfiévré, par celle qui n’a plus rien à perdre. Un témoignage saisissant, une voix que ni les murs du cachot ni les années passées ne sont parvenus à étouffer.

 

Révoltée, d’Evguénia Iaroslavskaïa-Markon, traduit du russe par Valéry Kislov, Seuil, 176 p., 16 €.